CIE BAL - JEANNE MORDOJ
JEANNE MORDOJ
Dans le spectacle vivant, Jeanne Mordoj suit son chemin en artiste indomptable. Créatrice et interprète de spectacles, elle avance aux lisières du théâtre, du cabaret et des arts du cirque, en zigzag sur la ligne du convenu et du raisonnable. En constante transformation, elle se tient à l’écoute de son instinct, s’appropriant de manière singulière les trésors insoupçonnés du spectacle forain.
Sur scène, elle joue de son corps depuis les orteils jusqu’au bout des doigts – héritage de son expérience de contorsionniste. Elle manipule des objets et des matériaux bruts – prolongement du jonglage qu’elle a pratiqué.
Elle s’appuie sur la voix au travers de la ventriloquie et d’autres fantaisies phoniques. Enfin, elle dessine - pratique intime, enracinée en elle depuis de longues années.
Sa présence charnelle déroute et jette le trouble. Avec elle, l’étonnement féconde l’imagination et le bizarre ouvre vers une vision poétique de notre identité intime : cette dernière n’est-elle pas secrètement plurielle ?
Aujourd’hui, Jeanne Mordoj invente une forme d’art forain contemporain et intimiste, pour mieux regarder en face l’étrangeté tapie en l’être humain.
Dans ÉLOGE DU POIL (2007) elle nous confronte à une élégante femme à barbe et à son monde paisiblement macabre, dans LA POÈME (2012), un personnage féminin abandonne le vernis des apparences et laisse monter au grand jour, et au galop, une vitalité exubérante, non domestiquée. Dans FORÊTS (2015), surgissent, sous la pointe du fusain, les contours d’une horde féminine endiablée. Dans L'ERRANCE EST HUMAINE (2018), une créatrice tatonne à la recherche d’elle-même, nous entrainant au contact des ressources fertiles du doute.
Puis Jeanne Mordoj s’éclipse pour mettre en scène FIL-FIL (2016), trio à partir de 3 ans, BESTIAIRE (2021), un solo acrobatique où l’énergie de l’animal vient remuer la nature humaine et COUSUMAIN (2021) douces péripéties et sensations fortes pour une pièce de cirque pour les tout-petits. Elle revient sur scène avec FORAINE (2023) et creuse là encore son sillon forain contemporain, étrange, insaisissable.
La femme à barbe, la femme-poule, la dessinatrice extralucide, l’artiste en flottement, la créature mi-homme mi-félin, tous s’affirment comme des phénomènes en liberté, généreux et sauvages, malicieux et graves.
Des semblables si étrangers, des énigmes si proches.
Naly Gérard
© Géraldine Aresteanu